Cadre légal
Une maladie professionnelle est une maladie causée de manière directe et déterminante par l’exercice d’une profession. Elle est donc fonction du risque professionnel : c’est-à-dire lorsque l’exposition à une est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus élevée que celle subie par la population en général. Cette exposition doit être suffisante en intensité, en fréquence et en durée pour créer un risque réel de développer la maladie (art. 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970).
En Belgique, Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels, est l’institution compétente pour la reconnaissance et l’indemnisation des maladies professionnelles, ainsi que pour certaines actions de prévention ciblées. Le champ de compétences de Fedris inclut :
- le secteur privé ;
- les administrations locales et provinciales ;
- certains secteurs ou statuts particuliers :
- les ouvrier·ère·s mineur·e·s et assimilé·e·s ;
- les marins de la marine marchande ;
- les personnes qui, par suite d’incapacité physique de travail ou de chômage, se soumettent à une réadaptation professionnelle organisée en vertu d’une loi ou d’un décret ;
- les élèves et étudiant·e·s ;
- les apprenti·e·s et stagiaires (même non rémunéré·e·s).
Fedris n’est pas compétent pour les travailleur·e·s indépendant·e·s ni pour le secteur public, à l’exception des administrations locales et provinciales.
Le trajet de reconnaissance d’une maladie professionnelle comporte plusieurs étapes : la déclaration, la demande d'indemnisation et la décision. Nous y revenons en détail ci-dessous.
Les déclarations
Le trajet d'une reconnaissance de maladie professionnelle peut débuter par une déclaration. Cette déclaration ne peut qu’émaner des conseiller·ère·s en prévention–médecins du travail. Ces dernier·ère·s ont d'ailleurs l’obligation de déclarer à Fedris et au SPF Emploi toutes les maladies qu’ils·elles suspectent d’origine professionnelle, pour autant que la personne concernée soit encore en activité.
La déclaration ne donne pas directement droit à une indemnisation. Elle permet surtout à Fedris de suivre l’évolution des maladies professionnelles, de détecter de nouveaux risques et d’améliorer la prévention.
Un total de 2065 déclarations ont été introduites en 2018 (dont 54,5 % concernaient des hommes) et 2413 en 2019 (dont 51,1 % concernaient des femmes). La crise sanitaire de la Covid-19 a ensuite entrainé une forte augmentation du nombre de déclarations (jusqu’à 15 115 en 2020), en particulier concernant des femmes. Celles-ci représentaient 79,7 % des déclarations en 2020, 76,6 % en 2021 et encore 72,1 % en 2022.
Depuis 2023, les tendances se rapprochent à nouveau de la situation antérieure à la crise sanitaire. En 2024, une légère majorité (54,1 %) des déclarations concernait des travailleurs masculins.
Chronologie de la reconnaissance de la Covid-19 (provoquée par le SARS-CoV-2) comme maladie professionnelle
- 18 mars 2020 – 17 mai 2020 (premier confinement) : la Covid-19 a été reconnue comme maladie professionnelle pour le personnel des secteurs cruciaux et des services essentiels, tels que définis par l'arrêté ministériel du 23 mars 2020.
- 18 mai 2020 – 31 décembre 2021 : la reconnaissance s'est étendue aux travailleur·se·s du secteur privé et des administrations provinciales et locales ayant été impliqué·e·s dans une flambée de cas d'infections sur leur lieu de travail.
- 1er janvier 2022 – 29 février 2024 : la reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle a été maintenue pour le personnel du secteur des soins de santé présentant un risque accru d'infection.
- Depuis le 1er mars 2024 : au vu de l’évolution de la situation épidémiologique, la Covid-19 n'est plus reconnue automatiquement comme maladie professionnelle. Toutefois, il est toujours possible d'introduire une demande via le système ouvert.
La répartition sectorielle des déclarations de maladies professionnelles diffère sensiblement entre les femmes et les hommes.
- Chez les travailleuses, près de la moitié (44 %) des déclarations concernent la branche Santé humaine et action sociale. Une proportion comparable (45,5 %) se partage entre quatre autres secteurs, chacun représentant entre 9,7 % et 12,2 % des déclarations : Activités de services administratifs et de soutien, Administration publique, Commerce ; réparation de véhicules automobiles et de motocycles et Industrie manufacturière.
- Chez les travailleurs, un tiers (33,1 %) des déclarations proviennent de l’Industrie manufacturière. Les secteurs de la Construction (20,4 %) et du Commerce ; réparation de véhicules automobiles et de motocycles (12,8 %) occupent également une place importante.
Ces écarts marqués sont à mettre en lien avec le phénomène de ségrégation horizontale sur le marché du travail, entre autres facteurs explicatifs.
Environ la moitié des déclarations concernent des tendinopathies, tant chez les femmes (49,6 %) que chez les hommes (46,8 %).
- Les hommes sont nettement surreprésentés dans les affections ostéo-articulaires des membres supérieurs provoquées par les vibrations, les problèmes auditifs, ainsi que, dans une moindre mesure, les affections lombaires et les autres pathologies.
- Les femmes sont davantage touchées par les maladies pulmonaires, les maladies de la peau et les atteintes des nerfs dues à la pression.
Les demandes d'indemnisation
Après réception d’un formulaire de déclaration, Fedris envoie à l’assuré·e social·e les documents nécessaires pour introduire une demande d’indemnisation.
Tout·e (ex-)travailleur·se entrant dans le champ de compétences de Fedris qui s’estime victime d’une maladie professionnelle peut également directement introduire auprès de Fedris une demande d’indemnisation, sans déclaration préalable.
Les demandes d’indemnisation se font dans le cadre d’un système mixte, composé de deux mécanismes :
- le système « liste » (système principal), qui concerne les maladies reprises dans la liste officielle des maladies professionnelles, avec des agents causaux clairement identifiés et scientifiquement établis. Si la personne est effectivement atteinte d’une de ces 150 maladies professionnelles et qu’elle travaille (ou a travaillé) à un poste de travail déterminé présentant des risques professionnels, elle sera automatiquement prise en compte pour une indemnisation (présomption irréfragable).
- le système « ouvert », qui concerne les maladies hors liste. Il revient alors à la victime ou à ses ayants droit d’apporter une triple preuve : qu’elle est atteinte d’une maladie qui trouve sa cause directe et déterminante dans sa profession ; qu’elle est exposée à un risque professionnel ; et qu’il existe un lien de causalité entre cette maladie et l’exposition à ce risque professionnel (art. 30bis des lois coordonnées du 3 juin 1970).
En 2018 et 2019, Fedris a enregistré respectivement 8344 et 8723 demandes d'indemnisation, dont une majorité (environ 58 %) introduites par des hommes.
Avec la crise sanitaire, le nombre de demandes a fortement augmenté : 17 455 en 2020 et 20 225 en 2021. Durant cette période, la tendance s’est inversée : les femmes, plus nombreuses dans le secteur des soins de santé, sont devenues majoritaires parmi les demandeur·euse·s (65,9 % en 2020 et 61,7 % en 2021).
À partir de 2022, le nombre de demandes liées à la pandémie de Covid-19 a nettement diminué, jusqu’à quasiment disparaitre. Le volume total des demandes a donc baissé, mais il reste supérieur à celui observé juste avant la pandémie. En 2024, 53 % des demandes d’indemnisation ont été introduites par des femmes.
5 Décisions positives de reconnaissance de maladie professionnelle selon le type de décision positive
Les décisions
Une fois la demande d’indemnisation reçue, Fedris entame son analyse. Celle-ci se fonde sur trois aspects principaux :
- le statut professionnel de l’assuré·e social·e est dans le champ de compétence de Fedris ;
- il ou elle est atteint·e de la maladie professionnelle telle qu’elle a été définie ;
- il ou elle a été professionnellement exposé·e à une influence nocive dans des conditions telles que cette exposition professionnelle constitue la raison prépondérante de la maladie.
La décision remise par Fedris peut-être :
- négative : la maladie n’est pas reconnue comme professionnelle ;
- positive : la maladie est reconnue comme professionnelle.
Les décisions positives peuvent prendre plusieurs formes :
- Incapacité temporaire : période d’au moins 15 jours durant laquelle le·la travailleur·se ne peut pas travailler à cause de sa maladie professionnelle. Fedris lui verse alors une indemnité journalière équivalente à 90 % de sa rémunération de base.
- Incapacité permanente : taux d’incapacité établi en fonction de la perte ou la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché général de l’emploi.
À noter : ces deux types d’incapacité peuvent se cumuler : une incapacité temporaire peut être suivie, ou non, d’une incapacité permanente. Inversement, une incapacité permanente peut être reconnue sans incapacité temporaire préalable.
- Soins curatifs : Fedris peut également prendre en charge les soins de santé nécessaires au traitement de la maladie professionnelle, en remboursant le ticket modérateur (soit le montant à charge de la victime après intervention de la mutuelle). Les soins curatifs font l’objet d’une décision distincte de l’indemnisation pour incapacité.
Des différences de genre importantes apparaissent selon le type de décisions positives.
- Les femmes sont davantage représentées parmi les travailleur·se·s reconnu·e·s en incapacité temporaire (59,4 % en 2024) et bénéficiant du remboursement des soins de santé (57,4 %).
- Les hommes représentent pas moins de 89,4 % des travailleur·se·s reconnu·e·s en incapacité permanente.
La répartition des maladies professionnelles reconnues par Fedris selon la maladie montre des différences de genre.
- Chez les femmes, les atteintes de la fonction des nerfs dues à la pression sont de loin la maladie la plus fréquemment reconnue (61,9 % des cas en 2024), suivies des tendinopathies (22,7 %) et des maladies pulmonaires (7,3 %).
- Chez les hommes, on observe la même hiérarchie, mais les écarts sont moins marqués : les atteintes des nerfs dues à la pression représentent 31,3 % des cas, suivies des tendinopathies (29,2 %) et des maladies pulmonaires (23,2 %).
À noter : Entre 2020 et 2022, Fedris a donné la priorité au traitement des demandes liées à la Covid-19. Une fois la majorité de ces dossiers clôturés, l’accent a été mis sur les dossiers « atteintes des nerfs dues à la pression » puis sur les dossiers « tendinopathies ». Cela explique en partie le nombre de décisions rendues pour ces deux pathologies en 2023 et 2024.
Seules les atteintes de la fonction des nerfs due à la pression et les maladies de la peau sont davantage reconnues chez les femmes que chez les hommes (respectivement 64,9 % et 56,7 % des cas). Toutes les autres pathologies sont davantage reconnues chez les hommes. La surdité et l’hypoacousie, en particulier, sont quasiment exclusivement reconnues chez les hommes (96,7 % des cas), de même que les autres pathologies (incluant les pertes auditives dues au bruit, les maladies ORL, les affections lombaires ou encore les maladies du sang ; 86 % des cas).
Ces différences peuvent en partie s'expliquer par le fait que les femmes et les hommes ne se retrouvent pas dans les mêmes secteurs d’activités ou métiers et ne sont donc pas exposé·e·s aux mêmes risques professionnels.
La répartition des maladies professionnelles reconnues par Fedris selon la maladie et le secteur d’activité met en lumière des différences de genre.
- Chez les hommes, la maladie la plus fréquemment reconnue est l’atteinte de la fonction des nerfs due à la pression, principalement dans les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière. Les tendinopathies arrivent en deuxième position, suivies des maladies pulmonaires, toujours dans les mêmes secteurs. Les maladies de la peau sont moins nombreuses, mais concernent également majoritairement ces deux secteurs.
- Chez les femmes, les maladies principales sont les mêmes, mais leur répartition sectorielle diffère. L’atteinte de la fonction des nerfs due à la pression se retrouve surtout dans les secteurs des services administratifs et de soutien, de la santé humaine et de l’action sociale, du commerce et de l’industrie. Les tendinopathies suivent, dans les mêmes branches. Les maladies de la peau et les maladies pulmonaires concernent principalement le secteur de la santé humaine et de l’action sociale.
8 Décisions positives de reconnaissance de maladies professionnelles selon la maladie et le type de décision positive
Pour interpréter correctement les données relatives aux décisions positives de reconnaissance de maladies professionnelles selon la maladie et le type de décision positive, Fedris indique qu'il faut tenir compte des séquelles liées à chaque maladie :
- La tendinopathie apparait lorsque les travailleur·se·s réalisent fréquemment des mouvements répétitifs, en force et avec des postures contraignantes. Elle provoque des douleurs irradiantes et une diminution de la mobilité. Généralement, l’évolution d’une tendinopathie est favorable si elle est soignée. Ce sont surtout des frais médicaux et des périodes d’incapacité temporaire de travail qui sont octroyés. Plus exceptionnellement, c’est-à-dire uniquement quand il y a des lésions permanentes qui provoquent une limitation dans le travail, un degré d’incapacité permanente est octroyé.
- L’atteinte de la fonction des nerfs due à la pression apparait la plupart du temps à la suite des mouvements de préhension répétés en force ou après un appui prolongé du coude. Le problème est généralement résolu après une opération (sauf complication postopératoire). Ceci explique que l’on retrouve plus d’octroi d’incapacité temporaire de travail que d’incapacité permanente.
- Les maladies de la peau sont, pour la grande majorité, des dermatoses de contact provoquées par des substances auxquelles la personne est exposée dans le cadre de son travail. On retrouve les dermatoses allergiques de contact et l’eczéma de contact irritatif. Les lésions cutanées s’améliorent au cours d’une interruption de travail ou après un changement de poste de travail. Pour ces pathologies, on octroie plus d’incapacité temporaire de travail. On retrouve également, au niveau des maladies de la peau, les kératoses actiniques et les carcinomes spinocellulaire (lésions cutanées graves dues au soleil). Une incapacité permanente est alors le plus souvent octroyée.
- Parmi les maladies pulmonaires, on retrouve des maladies provoquées par l’inhalation des certaines substances (chimiques ou autres) et des maladies infectieuses. Suivant les maladies pulmonaires, les séquelles sont très variées et peuvent entrainer des conséquences différentes sur la santé. Un asthme professionnel peut s’améliorer si la personne n’est plus exposée à la substance. Une personne qui souffre de silicose à la suite de l’inhalation de poussières de silice cristalline peut développer une dyspnée d’effort ou au repos. Les incapacités seront différentes ainsi que le taux. Dans la plupart des cas, un degré d’incapacité permanente est octroyé selon l’atteinte de la fonction respiratoire.